Message du Guérisseur Lestrys (suite)
Nous entrions maintenant, en un lieu de jungle obscure, où il faisait presque nuit. Une pluie des plus denses rendait la visibilité quasi nulle. Un orage d’une intensité redoutable tonna à l’extérieur. Stency vint prendre place sur mes genoux, peu rassuré par cet endroit.
- Cela n’est pas réel, exposa Célia avec douceur. Ce lieu est fait pour éprouver notre courage.
- Les animaux de tout à l’heure avaient l’air des plus réels, émit Eratsu.
- Bien sûr, mais il en est fait ainsi pour que nos épreuves soient équitables par rapport à ceux qui viennent à pied. Ceux qui recherchent la guérison doivent aussi pouvoir la mériter.
- N’ont-ils pas assez souffert ? soupirais-je à la vue des enfants qui peinaient à respirer.
- Vous savez fort bien qu’ils doivent pouvoir « passer » pour renaître, émit Eratsu.
Notre progression continua, je repris les commandes avec Darsimen, qui m’indiqua les trous à éviter. Peu à peu, le ciel ardoise devint gris argenté, puis la pluie cessa. Notre esquif était vraiment en haute altitude, et je m’étonnais de la santé des plantes qui prospéraient en ce lieu.
A nouveau, il me fut donné de voir ce prodigieux fluide blanc brillant qui courrait au niveau du sol, tel du cristal vivant. Les plantes scintillaient pareillement d’une lueur phosphorescente, émeraude, violine, turquoise ou fuchsia. C’était un océan de beauté qui se révélait sous nos pas.
Nous sommes sortis de la jungle, empruntant un sentier ascendant bordé d’une prairie couverte de fleurs. Sur notre gauche apparut lentement le mur d’une bâtisse millénaire avec des arcades gravées de hiéroglyphes.
Devant le temple, j’aperçus une petite place garnie de gravillons menant à l’entrée en pierre grise, avec des draperies de verdure. Une petite assemblée nous attendait.
J’aperçus des soigneurs de la Terre intérieure, plusieurs prêtres aliens et humanoïdes, quelques lézards. Tous semblaient affables et courtois.
Chacun de nous descendit du véhicule en vacillant. J’étais un peu inquiet de mes habits couverts de boue, mais à peine cette pensée eut-elle effleuré mon esprit que je me sentis aussitôt parfaitement propre et reposé. Eratsu dont les souliers débordaient de glaise, avait lui aussi retrouvé son élégance ordinaire.
- Bienvenue amis, en ce temple de guérison, émit une femme de lumière aux cheveux blonds. Vous avez fait preuve de beaucoup de persévérance pour gagner ce lieu. Et de beaucoup de foi également, surtout au moment où l’antigravité ne pouvait plus opérer.
- Nous vous sommes reconnaissants de nous accueillir, assura Darsimen.
- Prenez place en ce véhicule, émit un alien au teint turquoise des plus aimables. Et ne vous souciez plus de rien. Nous allons prendre soin des quatre enfants. Leurs pensées doivent être purifiées de tout tourment.
Chacun de nous monta à bord d’un petit transport flottant, et les habitants du temple se chargèrent des quatre petits blessés. Ils les installèrent de même sur une sorte de transport aux sièges inclinés pour leur permettre de contempler toutes les fleurs splendides qui poussaient aux abords du temple.
Un être de lumière se chargea lui, des bagages et de notre véhicule, qui fut abrité en un hangar de maintenance.
Comme il me l’avait été enjoint, je laissais aller ma pensée au repos. Notre transport entra en une cour pavée de taille fastueuse, avec plusieurs bassins ovales, de nombreuses statues entourées de plantations.
J’aperçus alors le Temple, dans toute sa magnificence. Il semblait aller jusqu’au sommet du ciel.
J’estimais sa hauteur à environ 400 mètres de haut. Il était constitué de gradins successifs, qui faisaient comme une gigantesque pyramide de pierres grises, soigneusement ajustées entre elles.
Une image surgit, et je n’ai jamais rien vu d’aussi grand qui soit construit en pierres. Les pierres sont relativement petites, mais si bien ajustées qu’il s’en dégage une infinie perfection.
Elles sont assez anciennes, et par endroits, on a posé des pierres neuves, de couleur plus claire. Il existe des joints blancs entre certaines pierres, et d’autres n’en comportent pas. Une végétation sauvage à souhait court sur les parements du temple.
Il n’est nulle décoration à part des frises et des inscriptions. Tout est en pierre brute, sans trop d’ornements.
Malgré tout, on ressent que c’est autre chose que de la pierre ou du ciment qui maintient ce temple en un tout aussi parfait. Je songe là à quelque édifice issu des mathématiques pures.
(L’exemple qui pourrait s’en approcher est le temple de Palenque)
Nous sommes entrés dans le grand temple, en passant sous une arcade très sombre. C’était vraiment très curieux. D’abord je ne vis rien, puis un couloir bleu azur brillant s’ouvrit.
Alors, je perdis connaissance.
Une rêve étrange m’habita.
J’ouvris les yeux, et réalisais que j’étais en une chambre aux murs clairs, avec des soieries blanc crème magnifiques aux fenêtres. Stency et Célia étaient allongés à mes côtés.
Je me levais, et aperçus soudain mon corps, parfaitement endormi. C’était un peu déstabilisant, mais plutôt agréable, car je pouvais me mouvoir avec une merveilleuse virtuosité.
Gagné par la curiosité, je décidais d’explorer ce lieu d’exception. Je m’envolais en jubilant, gagnant un très haut couloir de pierre garni de fastueuses colonnes.
Avec un grand rire, je m’envolais vers la voûte de pierre, d’environ 40 mètres de haut, admirant les frises peintes de couleurs vives au sommet des colonnes.
On se sentait merveilleusement bien en ce lieu, comme relié à quelque chose de divinement parfait. On se sentait parfaitement en sécurité, accueilli et aimé.
Il n’existait nul bruit dans ce lieu d’exception, pour y ménager le repos de milliers de blessés. Malgré tout une joie sereine planait.
Je m’approchais vers le fond du temple, au plus près de la montagne. Cette salle devait faire au moins 600 mètres de large. Le sol était en carrelage brillant, avec de somptueux motifs floraux ou végétaux de toutes les couleurs. La pierre des colonnes semblait du calcaire le plus pur, mais si parfaitement poli, qu’il brillait presque. Il n’existait nulle différence entre la roche de la montagne, et celle du temple, ils semblaient ne faire qu’un. De part et d’autre de cette salle superbe, s’ouvraient des appartements avec de nombreuses chambres. Des rais de lumière oblique jaillissaient.
Je perçus une présence. Un être de lumière était là, souriant et avenant. Il fixait un point sur la gauche.
J’avançais et découvris une petite silhouette bleu nuit. Le petit alien blessé gémissait en sanglotant. Il était étendu sur un lit avec un drap blanc tout autour de lui. Lentement, sa vieille peau bleu nuit se fendillait, révélant un fin réseau lumineux en dessous. Ce n’était pas un spectacle très agréable, car l’être exsudait une sorte de mucus brunâtre qui coulait au sol.
- Que lui arrive-t-il donc ? demandais-je à l’être de lumière avec inquiétude. Souffre-t-il beaucoup ?
- Vous connaissez ce processus, soigneur Lestrys. C’est une forme de vie biomécanique. De telles formes de vie n’ont pas à être en ce lieu. Elles doivent changer, ou périr. Cet enfant ne souffre pas trop, mais ce n’est pas très agréable, vous le savez. Toute la structure microcristalline de son corps se désagrège. Ceci pour que le principe de la vie puisse se réinscrire en lui.
En effet, la peau du petit être révélait en dessous une belle peau bleu roi, à l’éclat magnifique. Saisi de peine, je voulus m’approcher de l’enfant pour saisir sa pauvre main meurtrie.
- Ne vous approchez pas, fit l’être de lumière. Vous ne devez pas interférer avec le processus.
Je passais dans la deuxième chambre, où le petit gris poussait lui aussi des glapissements. Il grattait ses bras, dont plusieurs fragments manquaient. Son torse était parcouru d’un réseau argenté croissant. Une soigneuse de lumière murmurait des paroles encourageantes auprès de lui.
- Ce sujet est moins atteint, fit l’être de Lumière aux cheveux bruns. Vous avez fait un très bon travail avec ces enfants, me félicita-t-il.
- Merci, répondis-je. Mais pourquoi l’autre petit est-il tout seul ?
- Ce processus est très lent, très délicat. Nous ne devons pas interférer, cela pourrait perturber l’enfant, et nuire à sa guérison. Il doit se transmuter entièrement, seul. Notre présence pourrait être un frein à sa transformation.
Nous sommes entrés dans la troisième pièce, où l’un des petits clones Denakhs recevaient d’étranges soins.
Il était également étendu sur son lit, et une forme grisâtre oblongue entourait sa petite silhouette. Deux soigneurs de lumière murmuraient des paroles de guérison en prenant ses mains dans les leurs. Un troisième soigneur massait ses tempes en des points précis. La forme grisâtre oblongue aurait pu faire penser à un cocon maladif, tissé de brins grisâtres.
Je compris aussitôt qu’il s’agissait des souvenirs de peine et de souffrance du jeune clone. Sa vie avait tout juste commencé et le malheureux avait conservée toute cette suie grisâtre autour de lui. Lentement, des filaments blanc brillants gagnaient le cocon grisâtre, l’éclairant tout doucement.
- Cela est un processus long, m’avoua l’être de Lumière. Il faut y aller par petites doses. Le choc énergétique autrement, serait trop grand pour ces enfants. Ils ont été habitués à être déconsidérés, aux privations et au travail sans fin.
Nous sommes sortis et avons gravi un escalier de pierre blanche très agréable. S’ouvrait devant nous une salle splendide. C’était un lieu parfait pour les enfants.
- Voici notre jardin de guérison, exposa l’être de lumière.
Je souris, car un décor incroyable se révéla à mes yeux. On y voyait un ensemble de verdure fastueux, avec une belle prairie. J’aperçus de nombreuses petites constructions en bois, que des dizaines de petits clones graciles escaladaient en riant. Ils jouaient à se poursuivre, gambadant dans l’herbe en de nombreuses acrobaties. D’autres jouaient à des jeux de balle nombreux, un peu comme le tennis, ou le basket, mais avec des balles très petites, adaptées à leurs mains.
D’autres enfants, plus timides et craintifs, jouaient dans de jolies maisons de bois, à des jeux de société nombreux. J’aperçus le jeu de la pyramide, ou de la tour sans fin, qui est un jeu très prisé des enfants, chez nous et chez vous. Il y avait aussi des devinettes et des jeux de cartes.
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Texte partagé par Les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre