C’est quoi la non-dualité ?

Dans la spiritualité indienne, on dit que « je ne suis pas un objet ». Par conséquent, je ne suis pas le corps, car le corps est un objet parmi d’autres. Alors que suis-je ? Je suis le sujet.

En d’autres termes, je ne suis pas un objet perçu sur le mode du « cela » objectif, mais je suis le sujet percevant, qui se perçoit soi-même (âtmâ) sur le mode du « je suis », au-delà de tout objet.

Cette discrimination (viveka en sanskrit) est une désidentification nécessaire, car d’ordinaire je m’identifie à des objets : le corps, la sensation, la pensée, voire le néant. Toutes les traditions de l’Inde sont d’accord pour dire que cette étape est indispensable.

Cependant, ce retour sur soi par discernement entre le sujet et l’objet débouche sur un état de dualité : il y a le sujet, le Soi, la conscience, d’un côté ; et il y a tous les objets, dont les corps et les autres, de l’autre.

Cette situation de dualité est celle du Yoga de Patanjali, du Sâmkhya et du Vedânta.

Elle est libératrice dans une certaine mesure, car le réalise alors que je transcende tous les objets, dont le corps. Je perçois ma tristesse ? Je ne suis pas ma tristesse ! Je perçois ma douleur ? Je ne suis pas la douleur ! Je ne suis rien de ce qui est perceptible, rien de ce dont je fais l’expérience. Je suis transcendant, au-delà de tout, ce qui représente un soulagement. Je suis moche ? Je ne suis pas ce corps ! Je fais des bêtises ? Je ne suis pas ces bêtises ! Je commets des erreurs ? Je ne suis pas ces erreurs ! Je regrette mon passé ? Je ne suis pas mon passé ! Et ainsi de suite.

De plus, cette discrimination n’exige que peu d’effort, dès lors que l’on a des capacités cognitives, que l’on n’est pas débile profond. La plupart des gens peuvent donc y accéder. Peut-être.

Enfin, cette discrimination présente l’avantage, aux yeux de certains, de mettre tous les objets – toutes choses – sur le même plan. L’or est un objet, comme la boue. Tout est égal. Ou plutôt, tout est égalisé. A la suite de cette discrimination radicale, il n’y a donc plus à discriminer quoi que ce soit. En ce sens, il n’y a plus « dualités » ni hiérarchies. Ce qui n’est pas sans complaire aux mentalités égalitaristes.

Toutefois, ce soulagement a son prix : tout est réduit à des objets, de simples choses inertes, privées de conscience, d’énergie et de vie. En sanskrit, on emploie le mot jaḍa qui signifie à la fois « inerte », mais aussi « idiot, stupide, imbécile ». Donc, tout (et tous !) devient inerte, stupide et imbécile. Certes, j’acquière une certaine paix, mais au prix de tenir toutes choses, l’univers, et les autres, pour des substances inertes, stupides, impersonnelles, privées de liberté. Seule la conscience est libre, mais… elle est totalement inactive.

Or, le Tantra nous propose une autre voie, qui passe par ce moment de transcendance, mais qui va au-delà.

Transcender la transcendance.

Aller au-delà de cette dualité que beaucoup confondent avec la non-dualité.

Le Tantra voit dans cette non-dualité exclusive (à laquelle on arrive en excluant toutes choses) une impasse, car c’est un état conditionné : j’y suis libre de tout, à condition… de ne rien faire, de ne toucher à rien. Mon seul choix est alors de ne pas choisir (« il n’y a pas de libre-arbitre »).

Pourquoi ? Parce que dès que j’agis, j’ai le sentiment de perdre cette transcendance, mon « éveil ». Je m’embourbe à nouveau dans les méandres des problèmes du monde, dans la dualité. Donc je suis dans un dilemme : Soit j’agis, mais je me sens conditionné ; soit je suis libre (« inconditionné ») mais je ne suis pas libre d’agir. Je suis donc libre… à condition de ne rien faire !

Ce qui, manifestement, n’est pas un état inconditionné, mais un état de dualité, un état construit en posant une chose par élimination de son opposé. En l’occurrence, j’élimine tout et je garde une conscience amputée de ses pouvoirs, une conscience stérile. Paralysée. Dans le déni d’elle-même. Et donc aussi dans le déni de mon incarnation.

C’est pourquoi le Tantra propose de transcender cette transcendance.

Comment ?

En plongeant dans le cœur. Et là, RESSENTIR que « je suis » est la source de tout activité, de toutes choses, car Je Suis est la vie.

Je Suis n’est pas une conscience statique, un Témoin passif, mais l’Acte pur, total, d’exister, qui est à la racine de tout ce qui existe. La vibration continue à la racine de tout mouvement.

Tout est le prolongement de cet Acte pur, comme les vagues sont des parties du mouvement total de l’océan. Il n’y a véritablement aucune séparation. Seulement une merveilleuse variété, un miracle de diversité.

Un maître du Tantra résume ainsi :

« Tout objet est comme le CORPS du Soi (âtmâ) qui est la conscience, la Lumière qui se manifeste en manifestant ces objets ».

Le corps est un objet, mais il n’est pas QUE cela !

Quoi encore ?

Il est un objet vivant, infusé de conscience de sensibilité.

Et tous les objets sont, en puissance, ainsi.

Ils sont le visage de la conscience,

son évolution,

son histoire,

on déploiement,

son récit,

sa mémoire,

son imprévisible liberté.

Et cela change tout.

Bienvenu au banquet des yoginîs !

Source:https://shivaisme-cachemire.blogspot.com/2024/04/la-non-dualite-cest-de-la-dualite.html


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Texte partagé par les Les Nouvelles Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre