Message du Professeur Zolmirel (suite)
L’après-midi venue, je m’affairais dans la serre et au jardin. Cette activité était des plus plaisantes pour moi. Limmel aussi adorait les plantes. Elle avait commencé à écrire un ouvrage sur les plantes des montagnes, pour faire connaître la richesse de son peuple.
Elle m’exposa même qu’un groupe de professeurs et d’étudiants avait décidé de visiter cette province pour converser avec les Galmols des montagnes. Au départ réticents, les anciens Galmols taciturnes avaient vu en eux un intérêt sincère.
- J’ai appris avec bonheur que la science élevée des vôtres en breuvages a déjà permis de sauver trois très jeunes enfants. Votre recette est un vrai miracle pour ces petits. Vous êtes si noble de la partager ! lui assurais-je.
- Il est normal de prendre soin des enfants, cela est le rôle dévolu aux femelles en cette contrée rétrograde.
- Il a été passé sous silence de nombreuses années durant et rejaillit avec éclat, exposais-je. Et comment va votre famille ?
- Mes parents se plaignent des corvées ménagères. Ils ont donc acquis une lessiveuse et un détacheur à habits. Après de longues hésitations, ils ont aussi choisi un polisseur à vaisselle, comme la plupart des habitants. Les prêtres en ont été très offusqués. Cependant, les villageois ont découvert que l’un d’entre eux avait un androïde de ménage pour prendre soin de son intérieur !
- Voilà qui est bien amusant, ! répondis-je en riant. Maintenant, ils ont plus de répit.
- Oui, c’est vrai, ils peuvent se détendre davantage. Le village est presque désert. Beaucoup de personnes sont parties dans la région des plaines. Mes oncles sont plus heureux. Leur atelier de réfection de vaisseaux a connu un grand succès. Ils sont appréciés des autres habitants, ils aiment à rendre service. Leur personnalité sombre s’en est allée, raconta Limmel.
- Je suis très heureux pour vous ! Les anciens ont accompli là un grand prodige.
- Cela est le privilège de votre peuple. Il est ici tant d’acceptation, de tolérance. Cette harmonie entre les êtres rend votre société bien plus positive ! répondit-elle avec admiration. Mais certains aspects me dépassent. Je ne connais pas la « période intermédiaire ». Cette tradition est étrange pour moi, et Kalahar en semble affecté.
Nous avons pris place à une petite table pour discourir plus à notre aise. Un peu surpris de sa confidence, je tâchais de la rassurer.
- La période intermédiaire n’est pas une tradition, répondis-je. Cela est une recommandation des experts en psychisme. Ils songent qu’il en est bien préférable ainsi. Cette période survient après, lorsqu’une union entre deux aliens ne s’est hélas pas déroulée de manière faste. Cela arrive parfois. Les deux époux se séparent, et cela prend plus ou moins longtemps. La période intermédiaire correspond à celle durant laquelle ils ne peuvent choisir de nouvelle moitié. Le risque trop grand est qu’une part de leur rancœur enfouie rejaillisse sur leur nouvelle moitié et ternisse leur relation à venir.
- Je comprends mieux, fit Limmel, les larmes aux yeux. Il parle d’une sorte de venin… Son ancienne épouse semble être une alien au caractère singulièrement autoritaire.
- Il est bien dommage qu’il en soit ainsi, soupirais-je. Il est sage qu’il existe un espace de quelques années suite à une relation infructueuse aussi intense.
- En vérité, il souffre beaucoup. Cette alien se manifeste régulièrement pour lui reprocher un grand nombre de choses. Elle se plaint de son habillement, de l’état de sa maison, et lui reproche d’avoir passé beaucoup de temps en mission, à travailler dans l’espace, émit-elle d’une voix hésitante.
- Il s’agit aussi de la période amère, comme disent certains. Malgré les apparences, il est bon que ces reproches jaillissent, exposais-je avec autant de tact que possible. Cela permet à une relation de prendre fin de manière définitive, et à l’esprit de se reconstruire. Cela ne vous empêche pas de rencontrer Kalahar et de lui apporter votre soutien. Il faudra juste un peu de temps avant que vous puissiez vous rapprocher émotionnellement. Vous pouvez être bien certaine que votre simple présence l’aidera.
- Ce ne serait pas une très bonne idée, répondit craintivement Limmel. Je crains de lui rendre visite et de me trouver face à face avec cette alien hostile.
- C’est juste, exposais-je. Je vais en parler à Zilmis. De mon côté, je me rends sur le site de fouilles en journée et lui, à l’atelier de réfection de vaisseaux. Vous pourrez ainsi inviter Kalahar et passer du temps ensemble pendant vos période de repos.
Son visage s’illumina aussitôt et elle bredouilla des remerciements.
Cette idée plut aussitôt à Zilmis. Il assura qu’il allait faire tout son possible pour que les pièces délabrées de notre logis retrouvent plus de confort. La maison avait beaucoup souffert de l’humidité, et le salon, ainsi que le séjour comportaient des murs décrépits. Cela cependant, ne dérangeait pas Limmel, trop heureuse de pouvoir inviter Kalahar. Zilmis me dépeignit en détail la souffrance de Kalahar, avec cette alien obstinée, qui le poursuivait sans arrêt pour lui faire des remontrances, guettant ses faits et gestes. Elle entendait qu’il la reprenne pour épouse. Il lui avait exposé que leur relation était achevée, mais elle n’acceptait aucunement ce fait, s’accrochant à lui avec férocité.
De mon côté, je songeais à une vilenie bien inscrite chez cette alien de caractère revêche. Il était bien bas de malmener ainsi son ancien époux sans le laisser partir. Comment pouvait-on songer à un tel égoïsme, à le rabaisser sans arrêt ? Tout cela visait sûrement au final à l’empêcher de reconquérir une nouvelle moitié.
Il s’agissait d’une attitude bien rétrograde, très inhabituelle pour mon monde. D’ordinaire, les anciens époux se quittent d’une manière bien plus harmonieuse.
En vérité, cette manière d’agir correspondait à celle d’un monde plus matériel, de dimension inférieure, où la jalousie et la domination de l’autre ternissent une relation, laissant peu de place à l’amour sincère.
Amoni, de même, était choqué par cet accaparement de l’autre. Mais en tant que guérisseur, il cherchait à expliciter cela.
- Certains êtres ont un ego surdimensionné. Pour les mondes aliens de dimension inférieure, il est beaucoup plus ardu de laisser partir une ancienne moitié. Cela signifie pour ces êtres qu’ils ont échoué. Leur personnalité dominatrice n’accepte pas du tout cela. Alors, plutôt que de laisser l’autre s’en aller et recommencer une nouvelle vie, ils lui font du mal. Ils n’hésitent pas à s’engouffrer dans ses failles psychologiques pour en exploiter les fragilités et reprendre le contrôle. C’est ce que nous appelons le venin, émit-il avec sagesse. C’est une technique de déstabilisation émotionnelle. Kalahar doit demeurer très calme et imperturbable. Il doit juste lui dire quelque chose comme « Nous avons passé de très beaux moments ensemble, maintenant laisse-moi partir s’il te plaît. » S’il le souhaite, nous l’aiderons pendant cette période délicate.
Chacun de nous fut impressionné par son habileté à décrypter les émotions enfouies. Nous avons redoublé d’attentions envers Limmel.
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Texte partagé par Les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre

