Message du Professeur Zolmirel (suite)
Le lendemain venu, chacun se leva un peu tard. J’émergeais du vaisseau d’Erazel, plutôt somnolent. Zilmis était déjà affairé en cuisine, déployant avec Limmel un savoir-faire impressionnant en matière de hors d’œuvres et de pâtisseries.
- Une chose est sûre, c’est que nous n’allons pas manquer de friandises, fit Erazel d’un air malicieux. Vous êtes bien bons de gâter ainsi tous nos hôtes, assura-t-elle.
Le repas qui suivit fut très allègre, chacun de nous se déplaçant ensuite en petits groupes, afin de tenir compagnie à Lestidda. Je lui portais une infusion.
- Vous devez être un peu lasse de tant d’agitation, exposais-je.
- Une mère consent à tous les sacrifices pour le bien-être de son enfant, répondit-elle avec bonté. La vie d’un petit Kolal est très fragile au début. Nous sommes une forme de vie créée en laboratoire au départ. Par la suite, nous sommes devenus très grands.
Je fixais avec curiosité un lit d’enfant muni d’un dispositif orthopédique imposant avec un rembourrage épais pour les cervicales.
- C’est pour sa tête, expliqua Amoni à voix très basse. L’enfant n’a pas la force de la soutenir au début. Les deux premières semaines doivent être surveillées. Tous les petits Kolals naissent avant terme.
Il s’approcha de la couveuse et observa l’œuf qui tremblait régulièrement. Soudain, au bout de quelques minutes, un signal psychique retentit. L’enfant avait décidé de quitter son œuf.
Les soigneurs ouvrirent la couveuse, et déposèrent l’œuf auprès de la mère, en une sorte de berceau bien chauffé. La coquille trembla, puis un trou minuscule apparut. L’enfant aux mains griffues agrandit l’espace. Avec émoi, j’aperçus une main très délicate. Mes larmes coulèrent, chacun autour de moi s’épongea les yeux.
Les soigneurs aidèrent l’enfant très faible à sortir de son œuf, avec beaucoup de douceur. Il poussa des gémissements à peine audibles. Puis, ils le tendirent à sa mère, qui le berça d’un air radieux. En le détaillant mieux, je constatais que sa peau rosée était presque translucide. Très fragile, elle semblait inexistante, laissant apparaître les vaisseaux sanguins du petit être. Le petit Kolal ouvrit faiblement ses yeux rosés, contemplant ses parents et son jeune frère pour la première fois. Chacun l’embrassa, saisissant ses petites mains pour le rassurer. Il eut un sourire incrédule, puis ferma les yeux. Il était très faible.
Les soigneurs le reprirent pour le baigner, le sécher et lui enfiler des habits chauds. Ensuite, son père le plaça dans un lit très spécial, dont les oreillers épais comportaient un dispositif destiné à immobiliser sa tête énorme. Une lampe spéciale diffusait de la chaleur sur la petite silhouette. Tout cela était assez incroyable.
J’étais un peu choqué par les proportions du petit être. Sa tête faisait pratiquement la moitié de son corps. Le père de l’enfant saisit une pipette pour lui faire prendre un peu de miellat. Il réagissait à peine. Son père lui parlait doucement, son jeune frère inquiet saisissant sa petite main pour l’encourager. Les soigneurs expliquèrent au petit frère que cela n’était pas douloureux pour l’enfant.
- C’est leur moment à eux, nous exposa Amoni. Il est mieux de sortir, nous reviendrons un peu plus tard.
Je vis qu’il s’essuyait les yeux. Je n’étais pas dupe. Notre conversation eut lieu par l’esprit pour ne point alarmer les enfants un peu déconfits.
- Il est très faible, soupirais-je avec désarroi. Je songeais à une vie nouvelle épanouie, mais c’est plus de survie qu’il s’agit là.
- Oui, c’est le prix à payer. Nos ancêtres généticiens ont transgressé bien des courbes pour hâter la croissance de l’encéphale, de l’intelligence à la naissance. Le développement accéléré du cerveau a lieu pratiquement en même temps que la croissance des poumons, ce qui est dangereux. L’œuf devient trop gros, et doit être extrait pour cette raison : le petit alien sinon peine trop à respirer.
- Il n’arrive même pas à boire, exposais-je. Pauvre petit être !
- Il en est ainsi pour tous les enfants qui naissent avant terme. Au bout de quelques jours, sa fonction digestive sera mieux constituée. Les organes sont récents et doivent apprendre à fonctionner plus tôt que prévu avec un système nerveux qui n’est pas achevé.
- C’est pour cette raison qu’il doit rester pratiquement en position assise, je suppose ?
- Oui, exposa Amoni. Les enfants respirent mieux en position verticale, cela leur permet de mieux digérer aussi. Il est possible de porter l’enfant avec précautions, mais il ne doit pas être allongé au début. Ses cervicales sont très fragiles.
Je méditais ces paroles. Bien qu’il ne s’agisse pas de sa spécialité, Amoni était un guérisseur dévoué. Il avait pris la peine de se documenter sur les soins à apporter aux nouveaux-nés, afin de répondre aux interrogations de sa jeune sœur. Tout ce qu’il me disait m’effrayait un peu par rapport à la santé de l’enfant qui devait faire l’objet d’une surveillance absolue les premières semaines.
Nous sommes revenus en soirée. Le petit Kolal allait mieux. Il bougeait à peine, mais ouvrait les yeux en souriant à tous ceux qui s’approchaient de lui. Il commençait à parler, en prononçant des sons informes. Je constatais avec un grand soulagement que son teint était plus pâle, moins violacé.
Très émus, les enfants purent enfin l’approcher. Nerti lui parla et saisit sa petite main pour lui offrir un présent.
– Voici pour toi, lui dit-il en lui offrant une poupée alien. Nous l’avons faite ensemble, c’est Zilner qui a fabriqué les habits.
Le petit alien examina la poupée de ses grands yeux brillants, il sourit d’un air radieux en poussant des petits cris aigus, puis, il tendit les bras en gémissant.
- Ca lui plaît beaucoup, répondit Lestidda. C’est vraiment adorable à tous les deux. Il veut vous embrasser pour vous remercier.
Nerti et Zilner étaient d’une maturité incroyable pour leur jeune âge. Ils s’approchèrent du jeune Kolal avec émotion pour l’embrasser. Mais il paraissait si fragile qu’ils avaient peur d’affecter sa santé. D’autant plus qu’ils n’étaient pas de la même espèce. Ils hésitèrent.
- Tout ira bien, fit Amoni en riant. Il n’y a pas de risque. Il a besoin d’affection et souhaite vous connaître.
- J’ai peur qu’il ait mal à son cou et à sa tête, exposa le petit Zilner face au petit alien qui possédait une plaie impressionnante au niveau des fontanelles.
- L’ouverture des fontanelles n’est pas douloureuse, répondit Amoni. Il est normal qu’il en soit ainsi au début pour les nôtres. Vous pouvez vous approcher sans crainte. L’immunité des jeunes Kolals est très bonne et se renforce avec le temps.
Avec beaucoup de douceur, Lestidda saisit son enfant et prit place sur le fauteuil. Puis, Nerti et Zilner purent le prendre dans leurs bras, chacun à leur tour. Les enfants furent bouleversés par le petit Kolal aux grands yeux brillants, qui disait quelques mots malgré sa faiblesse. Ils l’embrassèrent en serrant ses mains filiformes. Ensuite, il fut bercé par ses grands-parents, passant de bras en bras, et finit par s’endormir.
Chacun quitta la pièce, soulagé et heureux de ces précieux instants. J’ai dû verser de nombreuses larmes de bonheur ce jour là, à la vue de cet enfant si exceptionnel.
Vous pouvez reproduire ce texte et en donner copie aux conditions suivantes :
- qu’il ne soit pas coupé
- qu’il n’y ait aucune modification de contenu
- que vous fassiez référence à notre blog : unepetitelumierepourchacun.com
- POSER UN GESTE D'AMOUR -
Une contribution volontaire
aide véritablement à maintenir ce site ouvert
et ainsi vous devenez un Gardien Passeurs en action.
CLIQUEZ ICI POUR CONTRIBUER
Merci
Texte partagé par Les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre