Message du Professeur Zolmirel (suite)
Je suivis Amoni vers une autre maison, percevant des pensées de souffrance insoutenables. Pendant qu’Erazel s’occupait de consolider la porte et les murs pour nous permettre d’y entrer, nous avons préparé des remèdes et des bandages.
Nous sommes entrés en un lieu sombre à souhait et humide. Le parquet, en bois de champignons géants, aurait eu grand besoin d’être brossé. Tout un tas de poussières, d’épluchures et de restes d’aliments s’y trouvait, avec un amoncellement de boue près de l’entrée.
Un réduit minuscule un peu plus propre faisait office de chambre. Un enfant sanglotait, tenant sa jambe tordue où siégeait une plaie effroyable. Chacun de nous détourna les yeux et sortit aussitôt, saisi d’un mal être intense.
Amoni administra un breuvage apaisant à l’enfant. La plaie s’était infectée autour d’une fracture ouverte.
- Il faut l’opérer, mais pas ici, expliqua-t-il à ses parents dont les habits étaient maculés de boue. Acceptez-vous que votre fils soit amené à bord d’un navire de soins internes ? L’un de vous peut m’accompagner ?
Dépassée par la situation, la mère de l’enfant accepta de nous suivre, pendant que le père retournait aux cultures.
Zilmis et moi-même avons déplié un chariot à répulsion flottant sur lequel Amoni déposa l’enfant endormi avec délicatesse.
- Cela est-il grave ? demandais-je.
- Non, mais cet enfant a besoin de soins, soupira Amoni, avisant ses mains boueuses et ses habits crasseux élimés. N’y a-t-il donc aucun détacheur à vapeur pour les habits en ce lieu ? fit-il en haussant les sourcils.
- Le glissement de terrain a détruit la plomberie, les citernes et les lavoirs. Les habitants n’ont plus l’eau courante. Ils doivent aller chercher l’eau à la rivière, deux kilomètres en contrebas, ils sont exténués par les travaux des champs. Ne les jugeons pas trop sévèrement, fit Erazel avec bonté.
Chacun de nous comprit fort bien. Les nôtres étions attachés à avoir un intérieur des plus agréables, mais les aliens des montagnes avaient toujours refusé le confort, les appareils ménagers en faisaient partie.
D’une manière générale, les aliens détestaient la saleté.
Nous avons escorté Amoni près du vaisseau de guérison. Rassurés de voir que le petit blessé recevrait les meilleurs soins, nous sommes revenus vers l’intérieur du village.
Zilmis était plus blême que jamais. Il se dirigea vers une allée familière, dont les parois étaient formées d’une haute falaise. À l’intérieur, vivaient des familles d’habitants des montagnes.
Dans un jardin encombré de déchets, une alien au visage dur bêchait un maigre potager qui avait connu des jours meilleurs.
Zilmis fixa sa mère, qui le contempla sans une once d’émotion.
- Ah, te voilà ! fit-elle avec sécheresse.
- Cela fait longtemps, mère, émit-il d’une voix posée.
- Es-tu heureux, mon enfant ? demanda-t-elle avec plus de bienveillance.
- Oui, je le suis, répondit Zilmis. Et vous, et comment va Limmel et père ?
- Nous sommes bien misérables, soupira sa mère. Et ce lieu est de plus en plus décrépit. Nous n’avons presque plus rien à manger. Seul le potager donne un peu.
- N’êtes-vous point satisfaits de cela ? répondit Zilmis. Après tout, c’est la vie dont vous rêviez, du labeur chaque jour, pas de plaisirs, ni d’eau courante. Une vie saine et religieuse au contact des éléments.
- Oui, c’est bien vrai, soupira amèrement sa mère, le visage las. Mais cela a assez duré. Les dieux sont en colère contre nous ! Ils ont éboulé tout un pan de la montagne et lancé les plus terribles malédictions sur nos prêtres ! Ils ont toussé des insectes et s’en sont allés ! Tu te rends compte ?
- Ce ne sont pas des malédictions, répondit posément Zilmis. Les prêtres ont rejeté des insectes parce qu’ils sont malades. Ce village a besoin d’être sérieusement nettoyé ! Il est insalubre ! Les habitants ne mangent pas assez à leur faim.
- Le village a besoin de quelques travaux, émit évasivement sa mère, mais il est parfaitement sain. Cela dit, nous sommes misérables, tous les jeunes sont partis. Il n’y a plus de jeunes filles pour faire le ménage. Seule Limmel est restée…
La mère de Zilmis nous invita à entrer, et chacun de nous eut un choc. Décrépit était le mot qui convenait pour qualifier sa demeure, mais le sol, lui, était répugnant. Horrifiés de tout ceci, nous sommes entrés à petits pas en une salle de séjour basse de plafond, au sol jonché de miettes et autres choses douteuses. Erazel avisa une table maculée de saleté et arrondit les yeux de stupeur.
Elle voulut prendre place sur une chaise, toute aussi douteuse, et se ravisa. Elle étendit la main, la chaise graisseuse et tachée, redevenant aussi étincelante qu’avant. La table, le sol crasseux et les murs envahis de toiles d’araignées subirent le même sort.
La mère de Zilmis contempla son salon aux murs rouge brique redevenu entièrement propre. Elle fixa Erazel avec effroi.
- Vous êtes des dieux pour faire cela, gémit-elle en s’inclinant.
- Nous ne sommes pas des dieux, assez de courbettes, soupira Erazel avec quelque lassitude. J’ai appris à frotter, et contrairement à vous, les enfants de notre peuple ne sont pas contrits en religion. Ils voient naturellement un ou plusieurs dons se développer. Ils peuvent modifier leur environnement, déplacer ou reconstituer des objets, soigner, faire apparaître des mets, et nettoyer. Le don est différent pour chacun.
- Nos textes sacrés le disent, lorsque les dieux reviendront parmi nous, ce sera le jour du grand changement ! Nous pourrons alors revoir nos enfants !
- Si vous souhaitez revoir vos enfants, alors c’est une bonne chose, fit Erazel.
Il y eut un bruissement, et, attirée par notre conversation, une jeune Galmol apparut. En l’apercevant, je réprimais un frémissement de joie. Elle possédait un teint saumon très clair, presque blanc, et de grands yeux bleu pâle. L’alien arborait une tunique fleurie défraîchie, mais propre. Son visage respirait la douceur, une grande bonté se lisait en elle.
Zilmis se précipita pour étreindre sa jeune sœur, Limmel.
- Tu es là, tu es revenu ! lança-t-elle en versant des larmes de joie.
- Je suis si heureux ! répondit Zilmis. J’ai eu très peur pour toi.
- Assez de mièvreries ! les interrompit leur mère. Limmel a du travail en cuisine, et votre père ne va pas tarder. Il faut que le repas soit prêt !
- Il le sera, assura Erazel. Nous allons y veiller.
- Pour commencer, il faudra aller chercher trois seaux d’eau à la rivière.
Erazel agita la main et trois seaux d’eau apparurent aussitôt.
- Voici, fit-elle. Autre chose ?
- Des dieux, je l’ai dit, vous êtes des dieux ! lança la mère de Zilmis affolée.
- Rien que de très ordinaire pour nous, émit Erazel en riant. Pourquoi perdre son temps à se traîner sur un chemin caillouteux pour porter des seaux alors qu’ils peuvent arriver tout seuls ? Et si vous me montriez les dommages infligés à votre plomberie, madame ? Je pourrais y remédier.
Erazel suivit la mère de Zilmis en une sorte de soubassement. Je ne sais ce qu’elle y fit. On entendit des grincements de tuyaux satisfaisants. Lorsqu’elle revint quelques minutes plus tard, une eau légèrement trouble coulait dans la cuisine.
Il était temps ! Le lieu aux murs graisseux avait grand besoin d’un sérieux nettoyage. J’avisais les placards couverts de taches et le sol immonde. Une montagne de vaisselle attendait, malgré tous les efforts de Limmel.
Limmel, Zilmis et moi-même avons retroussé nos manches et répandu de la lessive à l’odeur agréable un peu partout. Ensuite, nous avons nettoyé l’évier, les fours, chaque porte, et pour terminer, les murs et les placards.
Pendant, ce temps, Erazel discourait avec la mère de Zilmis dans la pièce voisine. Des éclats de voix nous parvinrent. La mère de Zilmis reçut de sévères remontrances de la part de notre ancienne.
- Laisser un jardin en cet état est inqualifiable ! entendis-je. Vous avez des excuses par rapport à l’eau, mais les vôtres ont jeté des pierres aux robots chargés de ramasser les détritus. Plus aucun robot de nettoyage ne peut se rendre dans la contrée des montagnes pour cette raison !
- Nous sommes contre la technologie, exprimait la mère de Zilmis. Nous sommes fiers et libres !
- Libres d’accumuler des immondices ? Regardez-moi ces jardins ! On dirait un entrepôt de recyclage ! Comment voulez-vous que les plantes puissent pousser si vous ne nettoyez rien ?!
La mère de Zilmis fut peu à peu à court d’arguments. Qui d’autre à part un robot muni d’un container sur coussin magnétique pouvait franchir les ravins imprenables de la contrée des montagnes pour venir nettoyer des tonnes de détritus ?
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Texte partagé par les Les Nouvelles Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre