Message du Professeur Zolmirel (suite)
Il y avait plusieurs lettres. La première était une lettre pour Limmel, dont la mère lui avait écrit une longue missive inhabituellement affectueuse. Elle exposa que son père avait dû se contenter de la signer en grognant, mais il avait quand même écrit. « Je pense bien à toi. » Pour lui, cela représentait un progrès immense en matière de communication. Limmel en était bouleversée.
Une autre lettre venait elle, de la sœur d’Amoni. Son jeune fils avait bien grandi, je découvris avec émoi des photos de leur jolie famille. Le petit alien avait choisi un prénom, Xalol.
En Kolal, cela signifiait « nuage d’altitude », ce que je trouvais fort joli. En Galmol, c’était un gaz rare utilisé afin d’élaborer des composants électroniques très sensibles, des éclairages. (argon ?)
- S’agit-il donc d’un autre petit explorateur ? demandais-je en riant, songeant au petit Nerti.
La lettre était joyeuse, pleine de vie. Le petit Xalol allait bien, il grandissait de manière impressionnante. Son collier cervical était maintenant bien plus petit. Il parvenait à tenir sa tête et à manger presque tout seul. Comme tous les petits Kolals, il avait un appétit impressionnant par rapport à sa taille. Il mangeait à présent beaucoup de gelées de fruits, de purées de céréales et de tubercules.
Nous avons répondu avec beaucoup d’émotion. Au fil des jours, les lettres devinrent plus précises. L’enfant avait encore grandi. Comme tous les petits Kolals, la croissance de sa tête s’était stabilisée, pour permettre à sa cage thoracique, puis à ses longues jambes de se développer. La conséquence était qu’il se mit à marcher, puis à courir de plus en plus vite.
- Ma sœur Lestidda et mon beau-frère ont un hangar avec beaucoup d’engins agricoles. Xalol est monté dessus à plusieurs reprises. C’est un enfant intelligent, bien attachant, mais il escalade tout ce qu’il voit. Ils sont un peu inquiets, expliqua Amoni. Voici là un petit alien qui a l’air bien remuant. Nous pourrions veiller sur lui quelques jours, pour leur permettre d’avoir un peu de repos. Qu’en pensez-vous ?
Chacun de nous assura que c’était une très bonne idée. Nous étions d’accord pour veiller sur l’enfant à tour de rôle. Nerti et Zilner, qui devaient arriver bientôt, seraient follement heureux de le revoir.
Interrogé en soirée, Zilmis assura lui aussi qu’il serait radieux de revoir Xalol et de le connaître un peu mieux. Juste au cas où, il partit ranger les outils qui traînaient en son atelier. Je l’imitais au niveau de la serre, Amoni s’empressant d’abriter tous les couteaux de la cuisine. Minel inspecta le séjour, et le jardin, à la recherche de tout ce qui pouvait être dangereux pour l’enfant. Nous avons déplié un tapis moelleux en notre séjour où il pourrait jouer sans risque.
Les parents du petit Kolal assurèrent qu’ils acceptaient avec joie de nous confier leur fils, car Xalol souhaitait nous revoir tous. Il peinait encore à parler, mais s’exprimait très bien par gestes et par images mentales.
Son père vint le déposer deux jours plus tard. Il semblait plutôt exténué. Amoni fit bon accueil à son beau-frère qu’il serra dans ses bras. Je découvris le visage du petit alien étonnant. Il nous fixait tous avec curiosité des ses grands yeux bleu azur sillonnés de vermillon.
Xalol était un peu inquiet de quitter son père qu’il embrassa une dernière fois. Puis, il se serra contre Amoni qui le prit dans ses bras.
- Merci de prendre soin de lui, nous fit-il d’un air ému. La naissance a été éprouvante. Nous devons à présent nous occuper des plantations.
- Nous veillerons sur lui, assura Amoni. J’ai hâte de lui faire découvrir notre région.
Le père du petit monta en son vaisseau et s’en fut. Xalol poussa un gémissement triste, puis reporta son attention sur nous. Il embrassa un Amoni fou de joie.
Mon monde accordait beaucoup d’importance au soin des plus jeunes. Les parents de l’enfant avaient droit à une période de repos pour veiller sur lui, de même que sa proche famille. Il nous fut alloué à tour de rôle des jours spéciaux, consacrés à son éducation. Je vis à son regard, qu’Amoni le considérait avec une tendresse absolue, tout comme son propre enfant.
Peu instruit sur le développement des plus jeunes, je connaissais cependant tous les gestes de base. L’enfant contempla Minel qui le prit dans ses bras en éclatant de rire. Nous étions tous ravis de sa venue.
Lorsque ce fut à mon tour de l’embrasser, je fus stupéfait de la pureté que je découvris en son regard. Très intrigué par mon visage bleu vert d’alien des marais, l’enfant le frôla de ses petites mains avec intérêt.
- Exxu al it ? s’étonna-t-il en souriant. Kissimas dues.
Chacun se mit à rire.
- Il a dit : tu es bleu comme le ciel, s’amusa Amoni. Il ne voit pas encore très bien toutes les nuances d’une couleur, cela viendra.
J’étais follement heureux de le revoir. Il était en bien meilleure santé. Cela me rassurait beaucoup de constater qu’il pouvait marcher seul. Quoique les enfants sur mon monde soient d’une intelligence très grande, ce petit semblait extrêmement précoce. Ses longues jambes grêles s’étaient développées et pouvaient à présent soutenir son poids. Il se mit à courir un peu partout.
Il poussa des gazouillements enchantés en découvrant notre séjour douillet aux éclairages dorés. J’étais très ému en détaillant la manière dont son regard découvrait chaque chose. Il se précipita vers un fauteuil, prit son élan, et l’escalada pour y prendre place. Très fier de lui, il nous sourit largement.
Chacun de nous s’esclaffa.
- Il pourra bientôt piloter un vaisseau, s’amusa Zilmis.
- Jolie maison, s’extasia le petit être en langage commun. Moi heureux visiter vaisseau aussi !
- Tu es vraiment un petit alien très étonnant, assura Amoni en venant auprès de lui. Nous te le montrerons, assura-t-il.
Le petit Kolal se tourna vers Limmel, la plus timide d’entre nous. Cette fois, son regard devint d’une gravité impressionnante.
- Toi sauvé moi, déclara-t-il.
Elle prit place à ses côtés, et il se tourna vers Limmel pour la serrer très fort contre lui. Chacun de nous s’épongea les yeux.
Nous sommes retournés à nos activités. N’ayant pu convier son beau-frère au repas du midi, Amoni conta une histoire au petit Xalol. C’était un spectacle impressionnant de voir ses jeunes yeux détailler les images, et les caractères agrandis pour tenter déjà de les déchiffrer.
Minel prit le relais pendant que nous étions présents en cuisine.
- Je n’ai jamais vu cela, fit Amoni en confectionnant une sauce à salade aux aromates. C’est la première fois que je découvre un petit Kolal si précoce ! Il semble déjà presque capable de lire. L’apprentissage des lettres intervient normalement vers le troisième ou le sixième mois.
- Tout ceci n’a rien d’étonnant, exposais-je d’un œil amusé. Il tient de vous votre amour des livres.
- Ma famille comporte bien plus de cultivateurs que d’aliens de science, s’étonna Amoni. Ses parents sont un peu inquiets, il grimpe sur tout ce qu’il voit.
J’avais constaté en effet que ses genoux comportaient des plaies récentes. Le jardin herbeux serait bien plus profitable au petit Kolal que la cour semée de gravillons chez ses parents.
- Qu’en est-il de sa tête ? exposais-je avec inquiétude. Est-elle bien soutenue ?
- Oui, tout à fait, émit Amoni. Il faut lui laisser son collier tout le jour. Ses parents lui ont expliqué qu’il ne devait pas le retirer. Son cou est plus fibreux, plus résistant. Mais si on retire le collier trop tôt, il risque une entorse des cervicales.
Chacun redoubla d’attentions pour le petit Xalol. Son père avait apporté un siège d’enfant surélevé, et il put donc prendre place avec nous autour de la table.
Amoni lui servit de la purée de fruits, que l’enfant mangea aussitôt. Tout le monde était émerveillé de sa présence, il découvrait le monde pour la première fois. A travers lui, nous pouvions ressentir une grande joie nous habiter. Je perçus ses pensées d’enfant si pures, de même que nous tous.
Il mangeait à peu près proprement, ce qui cela aussi, représentait un exploit pour ses petites mains.
- Eglu akti, émit le petit alien attachant en désignant la purée de fruits.
- Il en veut encore, exposa Zilmis en le resservant d’un air amusé.
- Quoi li être, elil ? demanda Xalol en montrant des aromates posés sur la table.
- Celui-ci est de l’herbe des marais, excellent pour la salade, émit Amoni en langage commun.
- Moi avoir salade ? demanda l’enfant fort curieux.
- Tu as l’air d’avoir bien faim, s’amusa Amoni.
- Il ne semble pas tenir cela de vous, répondis-je en riant. Quand vous étiez petit alien, votre mère disait qu’elle peinait à vous faire avaler quoi que ce soit !
- C’est vrai, fit Amoni, d’un air émerveillé. J’aimais beaucoup courir. Et toi, quelles sont tes activités favorites ? demanda son oncle au petit Xalol.
- Moi aimer forêt, aimer voir plantes, insectes, fit le petit être d’un œil brillant. Et aimer aussi voir déécollage vaisseaux, articula-t-il avec peine.
Chacun de nous se réjouit de ces perspectives. Zilmis songeait déjà à lui faire visiter le centre de réfection de navires, où il pourrait voir la piste d’essais aériens, puis cosmiques. L’enfant avait très envie de voyager, d’explorer. Mais sa tête encore trop fragile imposait de grandes précautions. Il semblait le comprendre, et pleinement l’accepter.
D’une manière générale, les petits Kolals étaient des enfants très agréables, d’une grande curiosité, avec souvent, ces éclairs de sagesse impressionnants. Cela faisait comme si la somme d’expériences de leurs existences passées revenait se poser en eux par instants.
Peu après le repas, l’enfant s’assoupit sur sa chaise. Amoni le prit dans ses bras, pour l’étendre en un berceau à sa taille. Puis, il retira avec précautions son collier, et soigna sa peau meurtrie rose vif et violacée en dessous. Pour finir, il étala un remède sur ses fontanelles encore ouvertes. Cela était normal, nous précisa-t-il.
Accroché au berceau, se trouvait un vase. Je ne posais guère de questions, mais devinais son usage. Les enfants Kolals peinaient à digérer au début, contrairement aux adultes qui métabolisaient parfaitement chaque aliment. Cela les obligeait à beaucoup manger pour compenser cet écart. L’écueil de cette situation était qu’ils pouvaient malencontreusement régurgiter leurs repas.
Au début de l’après-midi, le petit Xalol s’éveilla. Il émit un son aigu caractéristique pour appeler.
Amoni accourut aussitôt, l’aidant à redresser sa tête. Puis, il tint le vase devant le petit être.
Un peu embarrassés, nous sommes restés dans le séjour. J’étais inquiet et même heurté par les marbrures violacées de son cou.
- C’est impressionnant, fit Amoni en essuyant le visage de l’enfant avec une lotion. Mais il ne sent rien, soyez rassurés, dit-il en remettant le dispositif orthopédique en place. Cela gratte simplement.
- Jusqu’à quand doit-il encore porter cette chose ? questionna Zilmis avec compassion.
- Il aura un collier de plus en plus mince chaque semaine, pendant environ encore un mois. N’oubliez pas qu’il est né avant terme.
Amoni berça le petit Xalol, au teint légèrement pâle. Il poussa un gémissement de bien être. Une alchimie puissante semblait à l’œuvre entre eux. L’enfant versa quelques larmes, puis s’apaisa.
Amoni le tendit à Minel, avant d’aller nettoyer le vase. Celui-ci contenait un suc digestif, avec un acide verdâtre redoutable qui pouvait causer des plaies. Une odeur un peu sucrée s’en éleva. Amoni le versa dans une bouteille spéciale.
Chose étonnante, ce type d’acide était très recherché. Il servait à élaborer des remèdes, et aussi, aux artistes pour faire de la gravure.
À mon tour, je berçais le petit Kolal, lui prodiguant mon fluide pour apaiser ses spasmes digestifs. Il semblait absolument tout comprendre. Je lisais bien de l’embarras en son regard pénétrant. C’était vraiment un très bon petit. Des pensées d’une grande douceur s’échappaient de lui, comme autant de pétales de fleurs s’envolant au gré du vent. J’émis une onde télépathique apaisante, alors, nous nous sommes fixés avec une connivence absolue. C’était un enfant exceptionnellement attachant, très curieux aussi. J’avais hâte qu’il grandisse un peu afin de lui faire explorer toute la région. Cela promettait d’être de très beaux moments.
Nous avons décidé d’un commun accord de prendre soin de l’enfant à tour de rôle, qu’il s’agisse de le faire manger, de le soigner ou de le promener.
Amoni et Zilmis s’éclipsèrent l’après-midi venue.
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Texte partagé par Les Chroniques d'Arcturius - Au service de la Nouvelle Terre